L’assimilation du transfert transfrontalier de la résidence fiscale d’une société de droit belge à une liquidation a en principe pour conséquence que le « boni de liquidation», qui reflète la différence positive entre les sommes «réparties» et le capital fiscal (éventuellement revalorisé), est considéré comme un dividende distribué , lequel est en principe soumis à un précompte mobilier s’élevant actuellement à 30 % (art. 209, al. 1er et 269, al. 1er, 2bis, C.I.R.). On parle de fiction de liquidation et le précompte mobilier est qualifié d’exit tax.
Cette «exit tax» est en principe destinée à préserver les intérêts de l’État d’émigration d’une déperdition fiscale qui résulterait pour lui de la perte du pouvoir d’imposition sur les revenus latents, accumulés au fil du temps, mais non encore imposés.
Toutefois des divergences de vue sont cependant apparues très récemment dans la doctrine, qui concernent la portée des fictions contenues aux articles 210, §§ 1er et 2 du C.I.R. dans le chef des actionnaires d’une société émigrante de droit belge. Pour ce qui nous concerne, ces hésitations tiennent principalement au fait qu’un transfert à l’étranger de la résidence fiscale d’une société belge n’emporte effectivement aucune distribution d’un dividende, ni aucun partage de l’avoir social de la société migrante.
En outre, le fondement même de l’imposition des actionnaires d’une société, du fait de l’émigration de celle-ci, est aujourd’hui contesté. À la suite d’autres auteurs, l’on est donc en droit de se demander si, et selon quelles modalités, un précompte mobilier peut encore être concrètement prélevé à cette occasion.
Certains auteurs (dont je fais partie) sont d’avis que le prélèvement d’un précompte mobilier ne peut s’appliquer aux opérations assimilées à une liquidation par l’article 210 du C.I.R.
Si l’on s’en tient à une lecture littérale de l’article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R., les dividendes comprennent, en effet, « les sommes définies comme dividendes par [l’article] (…) 209 en cas de partage total ou partiel de l’avoir social d’une société résidente », tandis que les opérations visées à l’article 210, § 1er, du C.I.R., telles que le transfert à l’étranger du siège de direction effective, n’emportent pas un tel partage.
Certes, l’article 210 du C.I.R. rend, pour l’application de l’impôt des sociétés (et non pour le précompte mobilier), le régime du partage de l’avoir social applicable aux opérations prédécrites. Celles-ci ne sont cependant pas qualifiées de partage de l’avoir social par l’article 210 du C.I.R., puisque celui-ci admet au contraire expressément que certaines de ces opérations peuvent avoir lieu sans qu’il y ait partage de l’avoir social ». En outre, dans la mesure où l’article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R. déroge à la définition légale de la notion de revenu en qualifiant comme tel des situations où aucun enrichissement n’intervient dans le chef bénéficiaire, cette disposition doit être d’interprétation stricte, sinon restrictive.
Quoi qu’il en soit, si l’intention du législateur était manifestement d’englober les opérations visées à l’article 210, § 1er, du C.I.R. dans le champ d’application de l’article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R. , il eut été moins ambigu de viser directement l’article 210 dans cette disposition .
D’autre part, même si l’argument tiré de l’interprétation littérale de l’article 18, al. 1er, 2°ter, du C.I.R. n’emporte pas la conviction, il nous semble cohérent de défendre que la retenue d’un précompte mobilier ne serait, en tout état de cause, pas possible juridiquement, dans la mesure où le transfert à l’étranger du siège de direction effective d’une société ne donne pas lieu à «l’attribution ou la mise en paiement des revenus», au sens de l’article 267 du C.I.R., et que l’article 210, § 2, du C.I.R. ne peut être assimilé à une fiction fiscale d’attribution ou de mise en paiement .
Il reste qu’en dépit des arguments avancés par la doctrine, une insécurité juridique subsiste dans la pratique, à laquelle le législateur – ou à tout le moins le ministre des Finances – devrait apporter une réponse .
Il y a peu de temps, le service des décisions anticipées (Commission du ruling) s’est toutefois prononcé en faveur de la non-application de la fiction de liquidation aux actionnaires d’une société émigrante, dans une espèce où une société holding de droit belge envisageait de déplacer son siège social aux Pays-Bas ou au Luxembourg. Le SDA a en effet conclu que «suite au déplacement du siège de X de la Belgique vers un autre État membre européen, il ne naît aucun dividende de liquidation imposable dans le chef des actionnaires de X au sens de l’article 18, premier alinéa, 2°ter, du C.I.R. 92, suite à une éventuelle application de la fiction de liquidation fiscale dans le chef de la société X émigrante. Conformément à l’article 267 du C.I.R. 92, le précompte mobilier n’est pas non plus exigible suite au déplacement du siège».
Dès lors, avant de faire subir inutilement un exit tax et tenant compte de cette insécurité, il nous parait pertinent de suggérer l’introduction d’un ruling pour bénéficier de l’exonération de l’exit tax