LE TRAITEMENT DES PLUS-VALUES ET MOINS-VALUES SUR ACTIONS ANNULÉES (LES CONSÉQUENCES DANS LE CHEF DE LA SOCIÉTÉ ABSORBANTE QUI EST AUSSI ACTIONNAIRE DE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE)
1. EN DROIT COMPTABLE.- À l’occasion de l’absorption, la société absorbante (qui est aussi actionnaire) dégagera une plus-value ou une moins-value sur les actions détenues dans la société absorbée et qui sont annulées. Cette plus-value ou cette moins-value est égale à la différence entre la valeur nette d’apport de la société absorbée (représentée par les actions) et la valeur fiscale de ces actions détenues.
Dans son avis 2009/6, la Commission des normes comptables a précisé le traitement des différences apparaissant entre la valeur comptable des actions de la société absorbée et la quote-part qu’elles représentent dans les capitaux propres de celle-ci.
La CNC distingue les deux situations :
a. La valeur comptable des actions dans la comptabilité de la société absorbante est
supérieure à la quote-part que ces actions représentent dans les capitaux propres de celle-ci. (moins-value de fusion)
La CNC recommande en premier lieu d’examiner si les dispositions du droit comptable commun n’imposent pas un ajustement des capitaux propres de la société absorbée :
- les articles 61, § 1er, alinéa 3 in fine (3 :39 AR/CSA) et 64, § 1er, alinéa 3 in fine (3 :42 AR/CSA), de l’AR C.Soc. disposent que les amortissements complémentaires ou exceptionnels qui s’avèrent ne plus être justifiés, doivent faire l’objet d’une reprise;
- les articles 49 et 55, AR C.Soc. (3 :27 et 3 :33 AR/CSA) disposent que les réductions de valeur et provisions ne peuvent être maintenues dans la mesure où elles excèdent en fin d’exercice une appréciation actuelle.
Il s’agit de règles d’évaluation de droit commun qui s’appliquent indépendamment de toute opération de fusion.
La CNC rappelle qu’il est évident que les sociétés absorbées ont également la faculté, en application des dispositions du droit comptable commun,
- soit de réévaluer des immobilisations corporelles ou financières lorsque la valeur de celles-ci, déterminée en fonction de leur utilité pour la société, présente un excédent certain et durable par rapport à leur valeur d’utilisation;
- soit de procéder à des reprises d’amortissements actés sur des immobilisations corporelles et incorporelles si, en raison de modifications des circonstances économiques ou technologiques, le plan d’amortissement antérieurement pratiqué s’avère avoir été trop rapide.
Les corrections de valeur découlant de l’application de telles dispositions de droit commun sont compensées par la valeur comptable des actions détenues dans la société absorbée et ce à concurrence du pourcentage de participation.
La différence qui subsiste après les ajustements précités doit être imputée, dans la mesure du possible, aux éléments de l’actif qui ont une valeur supérieure à leur valeur comptable ou aux éléments du passif qui ont une valeur inférieure à leur valeur comptable.
Si, après avoir constaté les corrections de valeur et les ajustements en application des dispositions du droit comptable commun et/ou effectué les imputations de valeur au moment de la fusion, la valeur comptable des actions reste supérieure à la fraction qu’elles représentaient dans les capitaux propres de la société absorbée, cette différence est, selon le cas, soit portée à l’actif au titre de goodwill, soit prise en charge par la société absorbante.
b. La valeur comptable des actions dans la comptabilité de la société absorbante est inférieure à la quote-part que ces actions représentent dans les capitaux propres de celle-ci (plus-value de fusion)
Selon la CNC, cette situation doit d’abord être analysée à la lumière des dispositions du droit comptable commun afin d’examiner si les capitaux propres de la société absorbée ne sont pas surévalués :
- les articles 61, § 1, alinéa 2 (3 :39 AR/CSA)et 64, § 1, alinéa 2, AR C.Soc.(3 :42 AR/CSA) disposent tout d’abord que des amortissements complémentaires ou exceptionnels doivent être actés si, en raison d’une altération ou de modifications des circonstances économiques ou technologiques, la valeur comptable des immobilisations corporelles et incorporelles dont l’utilisation est limitée dans le temps, dépasse leur valeur d’utilisation par la société;
- les articles 70, alinéa 2, 72, alinéa 2 et 75 AR C.Soc. (3 :48, 3 :50 et 3 :53 AR/CSA) disposent par ailleurs que des réductions de valeur complémentaires sont actées pour tenir compte soit de l’évolution de leur valeur de marché ou de réalisation, soit des aléas justifiés par la nature des avoirs en cause ou de l’activité exercée;
- enfin, l’article 33, alinéa 1er, AR C.Soc.(3 :11 AR/CSA) impose l’obligation de tenir compte de tous les risques prévisibles.
Si l’écart de fusion constaté ne peut être éliminé par application des dispositions précitées, il est porté au compte de résultats de la société absorbante. La société absorbante aura en effet bénéficié, à la suite de l’opération de fusion, d’un actif net qui sera supérieur à la valeur comptable des actions concernées.
2. EN DROIT FISCAL.-
La plus-value de fusion (ou badwill de fusion) est traitée sur le plan fiscal comme un revenu définitivement taxé (R.D.T.) et bénéficie à ce titre d’une exonération totale, sans condition de participation minimale ou de durée de détention.
Le cas de la moins -value de fusion (goodwill de fusion ) est plus complexe. Cette moins-value de fusion n’est pas déductible au nom du principe de neutralité fiscale qui requiert qu’une opération de fusion immunisée ne puisse générer ni gain ni perte fiscale.
Sur le plan comptable on peut affecter à des éléments d’actif ou de passif ou en goodwill cette différence entre la quote-part des actions détenues par rapport à la quote-part qu’elles représentent dans les fonds propres de l’absorbée. Cela n’empêche que sur le plan fiscal, il y a bien une moins-value qui correspondra à la différence entre le résultat fiscal et le résultat comptable (différence appelée dans le jargon fiscal une « plus-value d’apport de fusion ») .
L’administration requiert que cette plus-value d’apport soit portée dans un compte distinct du passif pour satisfaire à la condition d’intangibilité.
La société peut donc transférer dans un compte de réserve immunisée cette différence entre moins-value fiscale et résultat comptable « corrigé ».. Cette prise en charge liée à ce transfert est neutre fiscalement car la société doit toujours porter en DNA la moins-value sur actions subie par la société (article 198, 7° du CIR) lors de cette fusion.
On sait que les amortissements sur les actifs réévalués (si la société choisit sur le plan comptable d’affecter la moins-value de fusion à des actifs) ne sont pas déductibles. Il en va de même si la société a porté cette moins-value de fusion en goodwill et amortit ce goodwill.
Ces amortissements rejetés peuvent être imposés de trois manières différentes
- soit la société portera les amortissements sur la plus-value de réévaluation dans les réserves taxées par le fait du prélèvement sur la réserve immunisée qui avait été constituée à cet effet ;
- soit elle transfèrera en réserve disponible ou en réserve occulte cet amortissement.
- soit elle peut décider, dans un premier temps , de porter la plus-value d’apport de fusion (cet écart entre le résultat comptable et le résultat fiscal) dans un poste de la déclaration fiscale dénommé « réserve taxée négative incorporée au capital », puis dans un second temps, diminuer chaque année cette réserve taxée négative (ce qui donnera lieu à taxation) à concurrence des amortissement pratiqués sur la plus-value de réévaluation comptable.
La société peut aussi choisir une solution plus radicale qui est de simplement acter la moins-value de fusion en DNA sans transfert aux réserves immunisées. Elle prend donc intégralement ce résultat de fusion en charge et puis le corrige par une DNA « moins-value sur actions ».
Un exemple permet d’illustrer la technique.
Imaginons qu’une société absorbante accuse un mali de fusion (càd un écart entre la valeur de sa participation et sa quote-part dans les fonds propres de l’absorbée ) de 1000 EUR.
La société décide de porter cet écart à un poste de goodwill de fusion à l’actif, comme le droit comptable l’y autorise.
Il y a donc, sur le plan fiscal, une différence positive entre le résultat comptable qui est de 0 (puisque la société a « comblé » cet écart par une activation d’un goodwill) et le résultat fiscal qui est de -1000 qui est la moins-value de fusion. Cette différence positive de 1000 est appelée « plus-value d’apport de fusion. »
Que peut faire la société absorbante ?
Elle pourra soit :
- transférer à un compte de réserve immunisée (compte 689 à compte 132 ) cette différence de 1.000 EUR. Cette prise en charge restera neutre sur le plan fiscal puisque la moins-value sur actions est portée en DNA . Les amortissements sur le goodwill de fusion ultérieurs donneront lieu à un prélèvement sur cette réserve immunisée à due concurrence et ce jusqu’à ce que tous les amortissements du goodwill de fusion aient être actés (après 5 ans).
- Porter en réserve disponible ou en réserve occulte (réserve taxée) chacun des amortissements actés sur ce goodwill (sorte d’excédent d’amortissement)
- inscrire cette plus-value d’apport dans la déclaration en tant que réserve taxée négative incorporée au capital (sous-compte 100.1 du capital) avec un compte correspondant de réserve exonérée incorporée au capital (sous-compte 100.2 du capital). . Les amortissements sur le goodwill de fusion ultérieurs donneront lieu à une diminution de la réserve taxée négative (donc à une taxation) et ce jusqu’à sa disparition totale lorsque le goodwill sera entièrement amorti
- porter intégralement cette perte de fusion en charge, puis neutraliser cette charge par une inscription en DNA (moins-value sur actions, art 198, 7° du CIR).