Par Pierre-François Coppens

Introduction

Depuis quelques mois,  Annie et André, couple-fondateur d’une société active dans le secteur des maisons de repos, et  d’une autre société immobilière exploitant des résidences–services, souhaitent prendre leur retraite.

Ils examinent le moyen de transmettre leurs affaires tout en sauvegardant leurs intérêts et ceux de leurs enfants.

Le couple a 2 enfants dont un enfant est pressenti pour reprendre la gestion opérationnelle de la société A et l’autre est infirmière au sein de la maison de repos.

Ce coupe me consulte, et à l’issue de la réunion, il ressort que  l’opération envisagée la plus opportune semble être une scission partielle.

La partie immobilière, par la scission partielle de la société A, se retrouverait dans le patrimoine familial dans la société immobilière existante, société B.

Cette société détient déjà un immeuble contigu à l’immeuble où se trouve la maison de repos.   

Dans le cadre de la scission par apport de la partie immobilière de la société A à la société B l’entité immobilière nouvelle retrouverait un ensemble cohérent de Résidence Services, maison de repos et maison de repos et de soins.

La scission partielle est effectuée afin de permettre au groupe d’avoir une meilleure vision des opérations de l’activité opérationnelle.

Elle devrait contribuer également à ce que cette activité soit gérée d’une manière cohérente et optimale.

La centralisation de l’activité opérationnelle rend aussi possible une cession ultérieure éventuelle de cette activité pour des investisseurs ou acquéreurs potentiels. Car les candidats acquéreurs savent combien une telle société est particulièrement rentable et dispose d’un personnel de qualité.

Il faut toutefois savoir que dans le secteur des maisons de repos, les principaux candidats acquéreurs n’achètent que très rarement le parc immobilier en raison du cout souvent exorbitant d’un tel investissement.

La scission partielle permet en outre aux investisseurs ou acquéreurs potentiels d’acquérir globalement l’activité opérationnelle, sans aucune interférence avec les activités de gestion immobilière qui seraient assurée par la société B.

En tout état de cause, que la société A soit revendue ou maintenue dans le patrimoine familial, la scission partielle ainsi réalisée devrait favoriser un développement plus harmonieux des deux sociétés et, de là, une pérennité renforcée, en leur permettant de gagner en efficience dans la gestion de leurs activités respectives.

Il faut aussi noter que la scission partielle n’impliquera aucune perte d’emploi pour le personnel de la société A.

Par ailleurs, aucun transfert des actions de la société B n’est envisagé et serait d’ailleurs totalement contraire aux intérêts du couple qui entend conserver les immeubles et percevoir des loyers importants. 

En outre, les actionnaires s’engagent à ne pas transférer les actions de la société B reçues en échange lors de l’apport dans un délai de trois ans à compter du jour de la scission partielle.

Peu de temps après notre réunion, il est convenu que j’introduise une demande de ruling auprès du Service des décisions anticipées pour garantir la neutralité fiscale de l’opération envisagée de scission partielle.

La demande vise plus précisément à obtenir une décision anticipée sur la confirmation que :

  1. cette opération de scission partielle répond aux conditions de l’article 211, § 1er du CIR 92 et n’a pas comme objectif, ou comme un de ses objectifs principaux, la fraude ou l’évasion fiscale au sens de l’article 183bis CIR 92;

Une des particularités de l’opération est toutefois que la société A dispose d’un beau patrimoine immobilier à apporter, mais que celui-ci est grevé de dettes, ce qui a pour conséquence que le transfert des immeubles constitue un apport mixte.

Telle est la situation classique pour laquelle une opération de scission partielle pourrait être envisagée.

Comme nous le verrons tout au long de notre exposé, l’opération présente certes des avantages incontestables mais aussi quelques écueils qu’il convient de surmonter pour éviter certains désagréments. 

Nous parcourons à présent les principes comptables et  fiscaux qui  régissent la matière.

1. Définition

Une fusion ou une scission classique entraîne le transfert de l’intégralité du patrimoine d’une société ou de plusieurs sociétés à l’occasion d’une dissolution sans liquidation. La scission partielle obéit à un tout autre principe. Considérée par le Code des sociétés[2] comme une « opération assimilée à une fusion ou à une scission », la scission partielle permet de transférer une partie de l’avoir social d’une société vers une ou plusieurs sociétés existantes ou à constituer en rétribuant directement les actionnaires de la société transférante. La société transférante continue à exister et subit simplement une réduction de son patrimoine correspondant à l’avoir transféré. Quant aux actionnaires de la société, ils deviennent titulaires, en plus des actions de la société transférante, de nouvelles actions de la société bénéficiaire. Pour bien comprendre le traitement fiscal de la scission partielle, il convient à nouveau d’examiner les conséquences dans le chef des trois acteurs de cette opération: la société transférante, la société bénéficiaire et l’actionnaire.

2. Traitement comptable des scissions partielles (avis de la CNC)

Aucune législation comptable n’existe à ce jour au sujet du traitement comptable des scissions partielles.

La Commission des normes comptables (C.N.C.) a toutefois pris l’initiative, dans l’attente d’une modification légale du droit comptable, de rédiger un avis sur les scissions partielles (avis 166/2 d’avril 2002).

Selon la C.N.C., la scission partielle doit se définir comme l’opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, une partie de son patrimoine à une ou plusieurs autres sociétés (existantes ou à constituer) en contrepartie de l’émission d’actions directement attribuées à ses actionnaires.

Vu le caractère « mixte » des scissions partielles, la C.N.C. considère que le traitement comptable de celles-ci peut être appréhendé en les considérant:

La C.N.C. choisit de privilégier cette seconde approche et estime dès lors qu’il convient de leur appliquer le régime de l’article 80 de l’AR/Soc qui vise les scissions ordinaires, avec les conséquences suivantes:

Cet avis a été complété entre-temps par un  nouvel avis (avis 2009/11) qui apporte des précisions complémentaires.

Il y est notamment exposé la manière d’appliquer le principe de la continuité comptable dans le cadre de la comptabilisation des opérations de scission partielle. Dans le chef de chacune des sociétés bénéficiaires, les éléments d’actif et de passif transférés par la société partiellement scindée, sont comptabilisés à la valeur à laquelle ils étaient repris dans les comptes de la société partiellement scindée et sur la base de laquelle la scission partielle est opérée.

Lors de la comptabilisation d’une scission partielle fiscalement neutre et au moment de la répartition des éléments des fonds propres de la société partiellement scindée entre cette société et la (les) société(s) bénéficiaire(s), il s’indique, comme exposé dans le cas d’une scission ordinaire, de tenir compte du transfert fiscal des différents éléments des fonds propres fiscaux de la société partiellement scindée (capital fiscalement libéré, réserves taxées et réserves exonérées) vers cette société et la (les) société(s) bénéficiaire(s), c’est-à-dire, au prorata des valeurs fiscales nettes des patrimoines transférés (article 213, premier alinéa, CIR 92), afin d’écarter au mieux toute discordance entre le transfert comptable et fiscal des éléments des fonds propres.

A l’occasion de la scission partielle, l’actionnaire de la société partiellement scindée (autre qu’une société bénéficiaire) conserve la totalité de ses actions dans la société partiellement scindée et reçoit – au prorata de sa participation dans la société partiellement scindée – un nombre d’actions nouvelles émises par la (les) société(s) bénéficiaire(s) en rémunération du patrimoine reçu. Autrement dit, et comme exposé ci-avant, cette scission partielle entraîne, dans le chef de cet actionnaire, un « échange fictif » d’actions par lequel il échange ses actions dans la société scindée contre ces mêmes actions, tout en recevant un certain nombre de nouvelles actions dans la (les) société(s) bénéficiaire(s).

Dans le chef de l’actionnaire soumis à l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des Sociétés (AR C.Soc.), cet « échange fictif » d’actions sera comptabilisé par application du principe de la continuité comptable consacré par l’article 41, §1, al. 2 de l’AR C.Soc.; il s’ensuit qu’à l’issue de l’opération de scission partielle, la somme des valeurs comptables des actions détenues dans la (les) société(s) bénéficiaire(s) et de celles détenues dans la société partiellement scindée (après scission), devra être égale à la valeur comptable des actions détenues dans la société partiellement scindée avant l’opération de scission partielle.

Comme dans le cas d’une scission ordinaire, il s’indique d’opérer la décomposition comptable de la valeur comptable de la participation détenue dans la société partiellement scindée avant la scission partielle, entre la valeur comptable de cette participation après la scission partielle, et la valeur comptable de la (des) participation(s) obtenue(s) dans la (les) société(s) bénéficiaire(s), et ce au prorata de la valeur réelle du patrimoine conservé par la société partiellement scindée et la (les) valeur(s) réelle(s) du (des) patrimoine(s) partiellement scindé(s

3. Traitement fiscal des scissions partielles immunisées

Pour bénéficier de l’exonération fiscale, la scission partielle doit répondre aux conditions suivantes :

  1. Lors de l’opération de scission partielle, les actionnaires de la société transférante seront exclusivement rémunérés par le biais d’une émission d’actions nouvelles, représentatives des droits sociaux de la société bénéficiaire
  2. La société bénéficiaire de l’apport lors de l’opération de scission partielle de la société transférante est une société résidente belge ;
  3. L’’opération de scission partielle sera réalisée dans le respect des règles prescrites par le droit des sociétés applicables en Belgique.
  4. la scission partielle n’a pas comme objectif principal, ou comme un de ses objectifs principaux, la fraude ou l’évasion fiscale au sens de l’article 183bis CIR 92, pour les raisons évoquées ci-avant (motifs économique valables à avancer)

3.1.  La notion de motifs économiques valables

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2008 transposant la directive fiscale fusion/scission  dans notre droit interne, le régime de neutralité pouvait avoir lieu uniquement si une opération de fusion, de scission ou de scission partielle répondait à des besoins légitimes de caractère économique et financier (article 211 § 1er, alinéa 2).

Cette condition a toujours été celle qui suscitait le plus de questions. Le principe qui sous-tendait cette condition était que les motifs qui président à l’opération de fusion ou de scission ne pouvaient être exclusivement fiscaux. C’est en ce sens que le commentaire administratif parle de condition spécifique « anti-abus de droit ». C’était à la société désirant réaliser la fusion ou la scission immunisée qu’il appartenait de démontrer que l’opération répondait à des besoins légitimes de caractère économique et financier.

La formule « motifs économiques valables » signifie que la justification économique qui est avancée par le contribuable doit s’inscrire dans la nouvelle philosophie de l’article 183 bis qui est de n’accorder aucune immunité fiscale à toute fusion, scission, ou scission partielle qui aurait pour but la fraude fiscale ou l’évasion fiscale. Un motif économique qui aboutit à l’évasion fiscale ne peut donc être jugé « valable ».

Dans son excellente analyse de la nouvelle disposition anti-abus[3], Daniel Garabedian estime que trois types de motifs économiques devraient, dans cette logique, en ce sens être disqualifiés:

1. Celui qui consiste en la recherche d’un avantage purement fiscal;

2. Celui qui, bien qu’étant non fiscal, est à ce point général qu’il est présent dans toute opération de réorganisation (le Service des décisions anticipées raisonnait aussi en ce sens); l’auteur cite l’exemple d’économies quant à la rédaction et à la publication des comptes annuels;

3. Celui qui est, certes, spécifique à l’opération envisagée, mais qui est à ce point ténu qu’aucune personne normale ne réaliserait cette opération pour ce seul motif (le vrai motif n’étant, par conséquent, pas le motif invoqué).

3.2. Faut-il une branche d’activité ?

Pour bénéficier du régime d’immunisation des scissions partielles, faut-il que les actifs et les passifs transférés forment une branche d’activité? Précisons d’emblée que le Code des sociétés est muet sur la question. La directive 2005/19 CE du 17 février 2005 qui intègre les scissions partielles dans les opérations visées par la directive du 23 juillet 1990 sur les fusions requiert un transfert de branche d’activité. Notre Code des sociétés, qui ne parle pas de « scissions partielles » mais d’ « opérations assimilées à une scission », n’a pas souhaité intégrer cette exigence de branche d’activité. Il s’ensuit que, dans l’état actuel de la législation, le régime de neutralité fiscale n’est, en la matière d’impôt sur les revenus, pas conditionné à la nécessité d’un apport de branche d’activité. Toutefois, la loi du 16 juillet 2001 qui a introduit le régime des scissions n’a rien prévu en ce qui concerne la fiscalité indirecte. Dès lors, ce sont toujours les conditions prévues à l’article 117 du Code des droits d’enregistrement et des articles 11 et 18 § 3 du Code TVA qui restent d’application.

Ces dispositions n’octroient d’exemption qu’en cas de transfert de branche d’activité. La suppression du droit d’apport par la loi du 22 juin 2005 (Moniteur belge du 30 juin 2005) ne change rien à ces principes car cette suppression ne s’applique pas en cas d’apport mixte, c’est-à-dire en cas d’apport rémunéré en partie autrement que par l’attribution d’actions. Or, il arrive très régulièrement que la scission partielle prévoie une reprise du passif en cas d’apport d’éléments d’actifs. Si cet apport ne forme pas une branche d’activité, les droits de mutation seront dès lors dus.

De même, en matière de TVA, une simple cession de biens (immeuble, stock de produits) ne formera pas un apport de branche d’activité et s’accompagnera d’une application de la TVA.

Ces conséquences fiscales font qu’une opération de scission partielle  pourra ne pas être indiquée dans certains cas, car il ne sera pas toujours facile de démontrer que l’apport constitue une branche d’activité

Le problème se posera de manière évidente lorsque l’apport se limite à un seul immeuble.

On notera toutefois que dans une décision anticipée n° 300.341 du 12 juillet 2004 le SPF Fiances avait admis qu’un immeuble forme une branche d’activité.

Le cas concernait une société immobilière, propriétaire d’une série d’immeubles historiques situés dans la commune X et d’un immeuble de bureaux situé dans la commune Y.

Elle voulut séparer l’immeuble de bureaux du reste de son patrimoine en faisant apport de cet immeuble à une autre société

On ajoutera aussi que la Cour européenne de justice a rendu un célèbre arrêt, le 13 octobre 1992[4]  sur la notion de branche d’activité dans le cadre de la directive 69/335/CEE.

La Cour européenne a d’abord rappelé l’objectif, tel que figurant dans le préambule de la directive instituant un régime fiscal dérogatoire, soit “d’éviter que soient entravés par des obstacles fiscaux les transferts d’actifs entre sociétés, de façon à favoriser la réorganisation des entreprises, et notamment le regroupement, au sein d’une même entreprise, de diverses entités exerçant des activités identiques ou complémentaires”.

Elle a ensuite défini la notion de branche d’activité contenue à l’article 7 de la directive, “pour donner un effet utile à cet objectif ”, “comme visant » toute partie d’entreprise dès lors qu’elle constitue un ensemble organisé de biens et de personnes capables de concourir à la réalisation d’une activité déterminée”.

L’administration a parfois tendance à donner une interprétation trop restrictive du concept de branche d’activité qui s’écarte de la lettre et de l’esprit de la directive européenne.

Selon la Cour d’appel de Bruxelles (arrêt du 21 juin 2002)[5], une branche d’activité ne doit pas être entièrement viable en elle-même et l’ensemble de ses éléments ne doit pas être exclusivement utilisé pour exercer des activités distinctes de celles du reste de l’entreprise.

Il doit seulement s’agir d’un « ensemble d’éléments qui sont investis dans une division d’une entreprise et constituent, au point de vue technique, une exploitation indépendante ».

Selon la cour d’appel de Bruxelles  des éléments tels que la valeur importante de l’immeuble de bureaux, la séparation géographique et le caractère différent du reste du patrimoine immobilier, l’autonomie opérationnelle de la gestion du reste du portefeuille immobilier et la cession d’un membre du personnel suffisent à former une branche d’activité.

3.3. Régime de la société transférante (la société qui se scinde partiellement)

Une opération de scission partielle, à l’instar des opérations de fusion ou de scission, est en principe une opération taxée. Telle est la raison pour laquelle l’article 210 § 1 du C.I.R. prévoit que les opérations assimilées à une fusion ou une scission sont soumises au régime de la liquidation. Toutefois, lorsque les conditions d’immunisation requises à l’article 211 § 1er du CIR pour les scissions et les fusions sont réunies, l’opération sera neutre fiscalement[6]. Dès lors, il y aura exonération des plus-values latentes sur les éléments transférés de même que sur les plus-values exprimées et les réserves exonérées. Aucun dividende ne sera distribué car le texte ne le prévoit pas. Les fonds propres de la société transférante sont simplement réduits à concurrence de la valeur fiscale nette des éléments transférés. La société pourra décider sur quels composants des fonds propres elle entend imputer cette réduction. On notera que l’absence de compensation de ces prélèvements par l’expression d’un dividende soulève un sérieux problème sur le plan fiscal, car l’opération de scission partielle génère une perte fiscale. Cette opération semble donc très intéressante fiscalement pour la société transférante. Cette lacune devrait toutefois être comblée par le législateur, car elle aboutit à l’inverse de la logique de neutralité fiscale.

Jean Marie Cougnon s’est très opportunément inquiété de cette incohérence[7] et écrit que «  En matière d’opérations immunisées, l’article 211, § 1er, 2° pose problème. Cet article prévoit que pour le surplus – c’est à dire pour les éléments de l’avoir net autres que ceux visés à l’article 211, §1er, 1° : plus values exprimées ou taxables de manière étalée, subsides en capital, plus-values réalisées ou constatées à l’occasion de l’opération – l’imposition prévue à l’article 209 ne s’applique pas dans la mesure où les apports sont rémunérés par des actions ou parts émises à cette fin.   Ainsi donc, alors que la société qui fait l’apport d’une partie de ses actifs voit son avoir social diminué à due concurrence par des prélèvements effectués sur ses réserves taxées (ce qui entraîne une «détaxation» de celles-ci), sur ses réserves immunisées (ce qui les fait disparaître du bilan) ou sur son capital libéré (ce qui empêche de pouvoir encore le rembourser aux actionnaires ou associés ultérieurement), il n’y aurait, à lire strictement le texte modifié du Code des impôts sur les revenus, pas matière à assimilation des valeurs ou sommes prélevées à des dividendes, puisque les apports sont bien «rémunérés par des actions ou parts nouvelles émises à cette fin». Nous savons que la rémunération en actions ou parts nouvelles se fait au profit exclusif des actionnaires de la société apporteuse qui a subi les prélèvements sur son avoir social).  « 
   

3.4. Régime de la société bénéficiaire

Les éléments transférés conservent leurs caractéristiques fiscales comme si la scission partielle n’avait pas eu lieu (article 212 du C.I.R.).

La société bénéficiaire héritera, en outre, d’une partie des fonds propres fiscaux de la société partiellement scindée, et ce, proportionnellement à la valeur fiscale nette des actifs transférés.

Les pertes fiscales subissent aussi la limitation prévue par l’article 206, § 2 du C.I.R.

3.5.  Conséquences dans le chef de l’actionnaire de la société transférante

Les actionnaires reçoivent de nouvelles actions de la société bénéficiaire en proportion de sa participation. Les actionnaires se voient donc adjoindre à leurs actions dans la société transférante (qu’ils conservent) des actions nouvelles dans la société bénéficiaire.

Le législateur avait recours à une sorte de fiction selon laquelle l’actionnaire aurait « échangé » ses actions de la société scindée contre de nouvelles actions de la société bénéficiaire[8]. En réalité, l’actionnaire conserve tous les titres de la société scindée mais comptabilise une réduction de valeur sur ces titres. Cette fiction a été prévue pour permettre à la plus-value réalisée à cette occasion de bénéficier du même régime d’exonération que si un échange s’était produit.

La loi du 11 décembre 2008 a modifié l’article 45 du C.I.R. et précise que « dans l’éventualité d’une opération assimilée à une scission », le total de la valeur fiscale nette des actions ou parts de la société scindée et des actions ou parts obtenues est égal à la valeur fiscale nette qu’avaient les actions ou parts de la société scindée immédiatement avant l’opération assimilée à la scission.

La valeur fiscale nette des actions ou parts obtenues en échange est proportionnelle à la valeur réelle de l’apport par rapport à la valeur réelle totale de la société scindée avant l’opération.  Qu’est-ce que la valeur réelle  dans ce contexte ?

L’exonération des plus-values est, bien entendu, soumise aux conditions de l’article 183 bis du CIR (les motifs économiques valables)[9].

4. Cas pratiques

Prenons l’exemple suivant:

A                                     P

Immobilisations  10.000       Capital                              3.000
Actifs circulants    5.000       Réserves disponibles     5.000
                                       Réserves exonérées             2.000
                                       Dettes                               5.000

Total                15.000                                               15.000

Les actionnaires de la société A sont :

–     une personne physique qui détient 25 % (participation acquise pour 2.000);

–     une société (D) qui détient 75 % (participation acquise pour 8.000).

Supposons que la société A fasse l’objet d’une scission partielle et décide de transférer les actifs circulants et les dettes (pour 1.000) à une nouvelle société B et conserve le reste. La valeur fiscale nette des éléments apportés est donc de 4.000 EUR La valeur réelle de A est de 18.000. La valeur réelle des éléments apportés à B est égale à 7.000.

Après la scission partielle, les bilans se présentent donc comme suit:

Bilan de A (société partiellement scindée):

A                                     P

Immobilisations  10.000       Capital                               1.800
                                       Réserves disponibles             3.000
                                       Réserves exonérées             1.200
                                       Dettes                              4.000

                                                                               ______

                                                                               10.000

Bilan de B (société bénéficiaire):

A                                     P

Actifs circulants    5.000       Capital                             1.200
                                       Réserves disponibles           2.000
                                       Réserves exonérées             800
                                       Dettes                               1.000

                                                                               _____

                                                                               5.000

Quelles sont les conséquences dans le chef des actionnaires?

La valeur réelle des actions émises par la société B est égale à 7.000.

L’actionnaire personne physique (qui détient avant opération une participation de 2.000) recevra des actions de B pour un montant de 1.750 (25 % de 7000).

Par ailleurs, la quote-part de sa participation dans les éléments transférés est de 778 (2.000 x 7.000/18.000). Dès lors, l’échange fictif des actions (car, en réalité, les actions de A ne disparaissent pas) donnera lieu à une plus-value de  (1750 – 778 = 972), non taxable.

L’actionnaire-société D qui détient avant l’opération une participation de 8.000 recevra des actions B d’une valeur de 5.250 x (75 % x 7.000). La quote-part de sa participation dans les éléments transférés est de 3.111 (8.000 x 7.000/18.000).

Dès lors, la plus-value est de  (5.250 – 3.111 = 2.139). Cette plus-value est non taxable sans condition d’intangibilité.

5. Le point de vue S.D.A. relatif  aux opérations de scissions ou de scissions partielles : interprétation de la notion de motifs économiques valable

La plupart des décisions rendues révèlent clairement que les objectifs économiques des opérations qui lui sont soumises sont déterminants.

Si le SDA a le sentiment que le maintien ou le développement économique d’une entreprise est garanti, la demande, éventuellement assortie de conditions très précises, sera accueillie favorablement.

En  matière de scissions ou des scissions partielles, on dégage les lignes de force suivantes:

– la scission ne soulève pas de problème lorsqu’il est établi que la séparation de deux branches indépendantes d’une société permettra aux deux branches de mieux se développer;

– la scission vise à séparer les participations détenues par une société des autres activités;

–  le SDA exige généralement un engagement de non cession des actions issues de la scission ou de la scission partielle pendant une période variant de 12 à 36 mois. La volonté du SDA est d’éviter que l’apport (exonéré) ne déguise en réalité une vente (imposable);

–  la scission se justifie lorsque chaque activité a des besoins de financement différents et pourra intéresser des banquiers ou des investisseurs différents;

–  la scission (scission partielle) permet d’isoler des immeubles affectés à une activité bien spécifique dans une nouvelle société spécialement constituée;

–  des divergences de vue sont apparues entre les deux groupes d’actionnaires à propos de la gestion des actifs de la société et de l’orientation économique de l’entreprise;

–  l’objectif de la scission ou de la scission partielle est de permettre le développement d’une activité de la société dans un groupe plus important développant des activités complémentaires.

5.3. Quelques décisions anticipées favorables spécifiques aux scissions partielles

Quatre décisions méritent d’être examinées.


Au sein d’un groupe de sociétés, les biens immobiliers (qui, d’un point de vue opérationnel, font certes partie « d’un site unique ») sont répartis entre deux sociétés, à savoir la société X (la société ‘la plus ancienne’ où les activités ont pris naissance à l’époque et dans laquelle étaient initialement centralisés tant les biens immobiliers que l’exploitation) et la société Y (une société immobilière de date ultérieure qui avait déjà été créée, entre autres, « dans l’intention d’opérer à terme une scission entre les différentes exploitations et les biens immobiliers »).

X souhaite  transférer ses biens immobiliers auprès de Y (après apurement de toutes les dettes qui s’y rattachent),

Ensuite  Y donnera lesdits immeubles en location à X (moyennant un loyer conforme aux prix du marché). L’opération n’aura aucune influence sur l’emploi ou sur l’exploitation.


Le SDA donne son feu vert à cette opération, étant donné que la « centralisation des biens immobiliers [auprès de Y] conduira à une utilisation efficace des moyens et de l’expertise et permettra une extension ultérieure via des investissements immobiliers futurs » effectués par Y (certains « projets concrets » ayant déjà été évoqués dans ce cadre).

Le SDA constate par ailleurs que X ne présente (entre autres) pas de pertes fiscales reportées ni de déductions d’intérêts notionnels reportées; que la scission partielle « n’apporte aucun avantage sur le plan de la déduction pour capital à risque »; et que les actionnaires « n’ont pas l’intention […] de céder [leurs actions X et Y] à des tiers dans les trois ans ».


Suite au décès de son gérant, la société X se retrouve entre les mains de son fils ‘mineur’. La société veut donc attirer un « manager expérimenté », lequel aurait l’obligation de s’engager dans le capital de celle-ci (afin de ‘le lier’ ainsi à X).

Toutefois, du fait que le bien immobilier dans lequel X exerce son activité est la propriété de celle-ci et représente une valeur considérable, « une telle entrée dans le capital s’avère trop onéreuse pour les différents candidats managers ».

Pour cette raison, X isolera son patrimoine immobilier (sur lequel ne reposent plus de dettes) dans une nouvelle société (et cette dernière donnera ensuite les biens immobiliers en location à X moyennant un loyer conforme aux prix du marché). Le résultat en sera que seule l’activité d’exploitation subsistera au sein de X, si bien que « le prix à payer par action [X] » peut être « fortement réduit ».


Le SDA constate que la scission partielle « permettra de faire en sorte qu’un candidat manager pourra plus aisément accéder au capital de [X] » (

« Grâce à cette restructuration, la continuité de l’exploitation pourra être sauvegardée et le fils mineur pourra à terme exercer des activités dans la société ou, tout au moins, choisir de marcher ou non dans le sillage de son père ».

Et ici encore, le SDA observe qu’il n’y a pas de conséquences pour le personnel de X (qui continue à travailler auprès de X); qu’il n’y a pas de pertes fiscales reportées, etc.; qu’il n’y aucun avantage sur le plan de la déduction pour capital à risque; et que les actions des sociétés concernées ne seront pas cédées à des tiers dans les trois ans.

Dans cette dernière affaire, la scission partielle va permettre à la société « X » de se concentrer sur son développement commercial par croissance organique et par acquisition ou fusion.

Des investisseurs ou des partenaires éventuels pourront être accueillis au sein de l’activité commerciale uniquement, sans qu’ils doivent investir dans la partie immobilière

La société « X », après scission partielle, pourra plus facilement gagner en efficience dans la gestion de son activité sans être entravée financièrement par les charges financières et d’entretien liés aux biens immobiliers transférés et au projet de construction d’un ensemble immobilier

De plus, la scission partielle, permettant la croissance plus rapide de la société « X », créera en principe de l’emploi

Le SDA donne son accord car, pour la société « Y » immobilière créée au moment de la scission partielle, le financement de la construction d’un ensemble immobilier pourra se faire plus facilement en son sein, sans le risque industriel lié à l’activité de la société « X ».

Les actionnaires de la  société « X » et de la société « Y », constituée lors de la scission, se sont engagés à ne pas céder les actions des deux sociétés à l’issue de la scission partielle pendant une période de trois ans à dater de la date de la scission partielle (acte notarié).

Au niveau des droits d’enregistrement, les biens apportés seront exclusivement immobiliers et il n’existe aucune dette liée aux immeubles transférés En conséquence, l’opération projetée rendra applicable l’article 115bis C.enr. En d’autres termes, le droit d’enregistrement de 0% sera applicable à l’opération projetée

La société X souhaite isoler son activité B  de son activité A.

Pour y parvenir, il va être procédé à la scission partielle de la société X.

Cette scission partielle aura pour objet le transfert de l’ensemble des actifs et passifs relatifs à l’activité B, ainsi que son portefeuille de valeurs mobilières, à la société Y. Celle-ci sera constituée au moment de l’opération.

L’actionnaire de la société scindée sera exclusivement rémunéré par le biais d’une émission de parts nouvelles représentatives du capital de la société bénéficiaire Y.

Les sociétés impliquées dans cette réorganisation sont toutes résidentes belges.

La scission partielle sera réalisée dans le courant du 1er semestre AAAA avec effet rétroactif comptable et fiscal au 1er janvier de la même année.

L’opération de restructuration envisagée répond à des motifs économiques valables.

En effet, il se justifie de scinder l’activité A de l’activité B, car celles-ci ne présentent aucune synergie entre-elles. Elles répondent à des besoins en connaissances techniques et de personnel totalement différents.

Celles-ci sont également situées dans des zones géographiques distinctes.

Tant les fournisseurs que les clients sont totalement différenciés.

La nouvelle structure permettra de gagner en efficacité et de définir dans des entités spécialisées les projets de développement, d’investissements et de partenariats éventuels de chacune des activités.

Isolées des risques de l’exploitation A, l’activité B se dotera d’une capacité d’emprunt renforcée pour réaliser les investissements futurs.

La scission partielle n’impliquera en outre aucune perte d’emploi.

Autres décisions :

6. Quelques aspects de droit des sociétés.

Dans le cadre de la scission partielle, les formalités suivantes sont à respecter :

Outre les délais normaux de convocation des organes de gestion et de l’assemblée générale, certains délais  seront aussi à observer :

7. Revision tva si location à la société bénéficiaire

La société partiellement scindée peut être tenue, dans certaines situations, d’opérer une révision des déductions des taxes ayant grevé l’acquisition, la transformation ou l’amélioration de biens immeubles .

Tel serait le cas de la location de l’immeuble qui a servi à l’exploitation de son activité

Le point de départ de la période de révision de cinq ou quinze ans peut être différent selon que l’on applique l’article 9, § 1er (règle générale) ou l’article 9, § 2 (exception) de l’AR n° 3.

L’article 9, § 1er, alinéa 1er de l’AR n° 3 dispose que la période de révision commence à courir le 1er janvier de l’année au cours de laquelle le droit à déduction prend naissance. La période de révision prend donc fin le 31 décembre de la quatrième ou de la quatorzième année qui suit celle au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance.

La naissance du droit à déduction coïncide avec celle de l’exigibilité de la taxe. La taxe est due en principe au moment de la livraison du bien ou de l’achèvement d’un service (art. 17 § 1er al. 1er et art. 22 § 1er al. 1er CTVA). La taxe est toutefois due avant ces moments lorsque le prix du bien livré ou du service exécuté, ou une partie de celui-ci est facturée ou encaissée (art. 17 § 1er al. 2 et  art. 22 § 2 al. 2 CTVA). En conséquence, pour un même bien d’investissement le point de départ de la période de révision différera si les factures ou les paiements s’étendent sur plusieurs années.

Exception: Le ministre des Finances ou, par délégation, son Administration, peut, en vertu de l’article 9, § 2 de l’AR n° 3, autoriser ou même prescrire que le point de départ de la révision soit le 1er janvier de l’année au cours de laquelle le bien d’investissement a été mis en service. Cette exception s’applique tant aux biens d’investissement immeubles par nature qu’aux autres biens d’investissement

On ne perdra pas de vue la Réforme de l’assujettissement optionnel des locations immobilières (projet de loi du 31/07/2018 modifiant l’art. 44, §3, 2° C.T.V.A.):

Les Conditions de fond sont :

Les conditions  de forme prévoient une option pour la taxation exercée expressément et conjointement par le loueur et le preneur.

Quant à l’application dans le temps:

8. Scission partielle et  abus fiscal.

Selon l’administration, lorsqu’une société revendique la neutralité fiscale d’une scission partielle, puis décide par la suite de vendre les participations en profitant de l’exonération des plus-values sur actions, il y a une application possible de la mesure anti-abus. Il y a unité d’intention entre ces deux actes et volonté d’éluder l’impôt.

Il ne suffit donc pas d’avancer des motifs économiques valables, puis d’attendre un certain délai, avant de céder les actions, comme c’était permis précédemment.

Selon le SDA, une scission partielle permet en effet de réaliser un share deal (vente de parts) en lieu et place d’un asset deal (vente d’actifs).

L’asset deal [Jaja1] donne lieu à taxation dans le chef du cédant de la plus-value sur actifs cédés (sauf application de l’article 47 du C.I.R. 92) tandis que le share deal permet l’absence de taxation (sauf cas de l’article 90, 9°, du C.I.R. 92).

Dès lors, une scission partielle suivie d’une cession des parts est un abus fiscal possible.

Mais quelle qualification peut-on proposer si l’on peut donc considérer cette combinaison d’opérations (scission partielle suivie d’une cession des participations) comme un abus fiscal ? Il convient alors de choisir la redéfinition la plus adéquate aux opérations.

Selon Philippe Dedobbeleer, « On constate ainsi que la simple taxation de la plus-value sur les actifs “transférés” suite au “share deal” permettra de gommer en partie l’avantage fiscal retiré de la combinaison d’opérations, mais sans pour autant tenir compte de la réalité économique des opérations effectivement réalisées. Pour que la redéfinition des opérations soit la plus conforme possible à la réalité économique des opérations effectuées, il y aura alors lieu, selon moi, d’opérer une redéfinition de la scission partielle de A suivie d’une cession des participations de Newco en une cession d’actifs par A suivie d’une distribution de dividendes par A. Une telle redéfinition permet de tenir compte du fait que c’est l’actionnaire de A qui a directement encaissé le prix de vente des participations de Newco. »[10]

L’administration pourrait ainsi en principe, selon l’auteur, requalifier la scission partielle suivie de la cession d’actions en « cession d’actifs suivie d’une distribution de dividendes », même si nous estimons cette requalification assez contestable et difficile à mettre en œuvre.

En conséquence, la neutralité fiscale risque de se voir refusée sauf si l’actionnaire s’engage à réinvestir le produit de la plus-value réalisée dans une nouvelle société belge (il faut un « redéploiement économique », selon l’administration).

En 2015, le SDA a refusé de donner une décision favorable dans le cas suivant : la société A possède plusieurs biens immobiliers. Les actions de la société A sont la propriété d’une personne physique X. La société A souhaite procéder à une scission partielle par laquelle un de ses biens immobiliers est cédé à une nouvelle société, la société B (étape 1). Ensuite, X va vendre toutes ses actions de la société B à un investisseur tiers Y (étape 2), qui procédera ensuite à une fusion de la société B avec sa société d’investissement existante. Le SDA est d’avis que les actes juridiques successifs et en particulier la scission partielle suivie de la vente des actions de la société B constituent un abus fiscal au sens de l’article 344, § 1er, alinéa 1er, du C.I.R. 92. Après la scission partielle de la société A, le bien immobilier scindé sera cédé à un tiers par le biais d’une vente d’actions. Les opérations successives permettent d’éviter l’impôt sur la plus-value réalisée sur la vente du bien immobilier. En fait, selon le SDA, il s’agit de la vente d’un bien immobilier à un tiers par la société A[11].

Dans tous les cas, il sera toujours opportun d’expliquer les motifs économiques valables invoqués pour justifier la scission partielle (voy. supra).

La question se pose de savoir s’il est possible d’appliquer l’article 344, § 1er, du C.I.R. 92 lorsqu’il existe déjà une mesure anti-abus spécifique applicable, comme c’est le cas en matière de réorganisation de sociétés (art. 183bis du C.I.R. 92) ? En vertu de l’adage « lex specialis derogat legi generali », il est permis de considérer que la mesure anti-abus générale ne devrait pas être invoquée. Le SDA considère toutefois que lorsqu’une opération de réorganisation est couplée avec une autre opération connexe, l’article 344, § 1er, du C.I.R. 92 peut pallier les lacunes de l’article 183bis ou s’y substituer si elle est inopérante.

Ce point de vue est aussi partagé par Marc Bourgeois et Aymeric Nollet : « Il reste tout de même possible que la mesure “générale anti-abus” vienne servir à replacer un contribuable dans le champ d’application d’une mesure “spécifique anti-abus” qu’il aurait tenté de contourner de manière “abusive”, et que ce soit alors le régime de cette dernière, sans plus de sévérité, qui soit ensuite appliqué à ce contribuable pour son redressement. »[12]

La disposition générale viendrait ainsi au « au secours » d’une disposition spécifique, selon l’expression des auteurs.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par contournement abusif.

Si l’on prend par exemple le cas d’une scission partielle visant à séparer le pôle immobilier du pôle opérationnel en vue de faciliter la cession de l’activité opérationnelle par un repreneur non désireux d’acheter les immeubles, mais qui en revanche peut pérenniser l’entreprise et garantir l’emploi, est-ce que le fait que la cession consécutive des actions de la société opérationnelle puisse donner lieu (par le seul effet de la loi) à une exonération des plus-values sur actions constitue un moyen de contourner abusivement une mesure anti-abus spécifique ?

Y a-t-il une unité d’intention caractérisant un abus fiscal ?

Nous ne le pensons pas. Nous estimons qu’il s’agit au contraire d’une simple conséquence, certes fort heureuse et avantageuse sur le plan fiscal pour le cédant, d’une opération qui dans son ensemble répond à une motivation économique et commerciale parfaitement valable. À nouveau l’administration ne franchirait-elle pas un pas de trop en considérant qu’un gain fiscal (qui lui semble excessif ou indu) puisse forme un quelconque abus fiscal ?

Le seul fait d’entrer dans le champ d’application d’une disposition fiscale favorable ne caractérise pas un abus[13].

Conclusion

A côté des opérations classiques de fusion ou de scission ou d’apport de branche d’activité, la scission partielle constitue un instrument de restructuration fort intéressant pour diverses raisons.  

La scission partielle  permet à une société de sortir une partie de son patrimoine au profit d’un nouvel investisseur potentiel ou d’une autre de société du groupe et facilite la gestion optimale de chaque activité logée dans des sociétés distinctes.

Elle est le véhicule juridique idéal si l’intention des actionnaires et de céder des activités à un tiers puisqu’elle permet de transformer une plus-value  normalement imposable au taux de l’impôt des sociétés  (en cas de vente du fonds  de commerce) en une plus-value sur actions non imposables (car on vend les actions de la société partiellement scindée ou de la société bénéficiaire).

Elle offre aussi beaucoup de souplesse puisque les actions issues de la scission partielle seront très facilement cédées.

Contrairement à l’opération  d’apport de branche ou d’universalité la scission partielle permet que les liquidités reçues suite à la cession des actions  seront directement  entre les mains des actionnaires (personnes physiques) et non dans la société (avec l’inconvénient dans ce dernier cas que la sortie des liquidités ne pourra se faire  sans cout fiscal).

A l’impôt des sociétés l’opération ne nécessite pas non plus qu’il y ait transfert d’une branche d’activité. En matière de droits d’enregistrement l’opération d’apport mixte présente toutefois un risque fiscal qui ne peut être négligé.

Recourir à une scission partielle permet en outre d’éviter les inconvénients liés à une disparition de société et à la création d’une nouvelle société.

Comme la société « scindée partiellement » continue à exister, il y aura tout d’abord une importante économie de formalités administratives et de coûts (par exemple, plus de demandes d’un nouveau  numéro à obtenir de la Banque Carrefour des Entreprises, d’un nouveau numéro de TVA ou impression de nouveau papier à en-tête, etc.).

Par ailleurs, pour les biens immobiliers (non transférés), il ne sera pas nécessaire d’obtenir des attestations particulières en vertu de la législation régionale.

De plus, l’absence de transfert du parc automobile permet d’éviter le paiement de nouvelles taxes de mise en circulation.

Certains contrats présentant un caractère personnel (intuitu personae) conserveront leur opposabilité indépendamment de la scission partielle.

Enfin, l’opération d’apport de branche d’activité ou d’universalité ne permet pas de transférer des fonds propres à une autre société puisque l’apport ne fait que créer une filiale, ce qui peut alourdir la structure d’un groupe et ne permet de distribuer des dividendes qu’à la nouvelle société-mère.

En revanche, la scission partielle permet de combiner deux opérations en une seule:

Coppens.pf@gmail.com


[1] Conseil fiscal IEC (www.coppensfiscaliste.be)

[2] Article 677 du C.Soc

[3] D. Garabedian, nouvelle disposition anti-abus: guère de changement de fond, Fiscologue du 10 octobre 2008, n° 1132, page 2

[4] C.J.C.E. affaire 50/91, 13 octobre 1992, Commerz- Crédit- Bank AG, Europartner, Rec., pp.5225 et s

[5]Voir  Fiscologue. n° 861, p. 10,

[6] Article 211, § 1 du C.I.R. Peut-on opter pour une scission taxée ? Certains auteurs, dont Ch. Goossens, considèrent que ce texte semble le permettre puisqu’une opération faite dans un but exclusivement fiscal est exclue du régime d’exonération

[7] JM Cougnon, « alias=vrbfusie
doc_id=
node_id=3313131

Scission partielle versus scission ordinaire », article publié sur le site de monkey.be (rubrique Analyses d’auteurs)

[8] L’article 45, § 1 énonce en effet : « L’opération relative à la scission est assimilée, dans le chef de l’actionnaire, à l’échange d’actions en cas de scissions ». Le lecteur appréciera l’extraordinaire clarté de cette disposition !

[9] voir à ce propos l’article signé Hughes Lamon, Géraldine Spanoghe et Delphine Gillet  consacré aux réorganisations transfrontalières des sociétés (C& FP, n° 4, avril 2009, p.99 à 116).

[10] Ph. Dedobbeleer, « Analyse d’exemples de cas constitutifs d’un abus fiscal », op. cit., p. 110.

[11] SDA, Rapport annuel 2015, pp. 58 à 60.

[12] M. Bourgeois et A. Nollet, « L’articulation des règles fiscales anti-abus générales et spécifiques : essai de clarification », R.G.C.F., 2014/3-4, p. 185.

[13] On notera que dans une décision anticipée no 2017.284 du 6 juillet 2017, le SDA a considéré que la scission partielle de la société X, par laquelle plusieurs biens immobiliers sont transférés à une nouvelle société à constituer afin de diviser le groupe en un pilier immobilier et un pilier opérationnel, répond aux dispositions du prescrit de l’article 183bis du C.I.R. 92 et peut bénéficier du régime de franchise tel que visé à l’article 211, § 1er, du C.I.R. 92. Selon le SDA, l’ensemble des actes juridiques (scission partielle de X suivie de la vente par étape des actions de la nouvelle société à constituer à la société faîtière du pilier immobilier) ne constitue pas un abus fiscal au sens de l’article 344, § 1er, alinéa 1er, du C.I.R. 92 et a été suffisamment justifié par d’autres motifs que la volonté d’éluder des impôts sur les revenus au sens de l’article 344, § 1er, alinéa 3, du C.I.R. 92.


 [Jaja1]Le « share deal » ?